L’Islande. Je suis attaché sous un hélicoptère et je vois la nature se déployer de toutes parts. L’horizon de prairies et de rochers s’étend à perte de vue. En jetant un œil juste en dessous de moi, je m’aperçois que nous suivons un ruisseau. Des touristes sont agenouillés au bord du précipice et regardent l’hélicoptère qui filme des points de vue qu’ils n’oseraient même pas imaginer. Demi-tour plein ouest, vers le soleil couchant. Je suis ébloui. Écran noir.
Un laser vient de toucher la carlingue de mon vieux vaisseau. Je tourne la tête à droite et j’aperçois le chasseur entre deux astéroïdes, loin de la mêlée qui fait rage au-dessus de nous. Je le laisse me dépasser, ni vu ni connu : maintenant, c’est lui la proie. Un coup d’œil sur ma droite pour m’assurer qu’il ne m’a pas berné et les cascades commencent : virages, looping, je l’ai dans mon viseur, il esquive. Deux missiles partent à sa poursuite, inefficaces. Je l’ai ! J’appuie sur la gâchette de mon joystick et… explosion en plein vol. Un astéroïde peut en cacher un autre. Écran noir.
Me voilà dans un cinéma sur la Lune. Notre bonne vieille Terre se détache derrière l’écran. Le sol est poussiéreux, mais les sièges à ma droite sont immaculés. Du pop-corn a été oublié entre deux rangées. Pris d’une petite fringale, je tends le bras pour l’attraper et ne tombe que sur du vide. Le vaisseau n’existe pas, l’Islande n’existe pas, la Lune n’existe pas. Débarrassé de mon casque de réalité virtuelle, je me retrouve sur le canapé dans mon salon. Retour au réel.
Un casque, des mondes
Ce que j’ai vécu à l’aide d’un casque de réalité virtuelle n’est pas tiré des fantasmes d’un jeune homme qui aurait grandi avec les récits et les films de science-fiction. Certes, le thème a une longue histoire. Philip K. Dick en a fait une étape entre la vie et la mort dans Ubik. Cronenberg a imaginé un jeu vidéo dans lequel le joueur se branche à une console reliée à son système nerveux. Dans Source Code, Duncan Jones a fait de la réalité virtuelle un outil de contre-terrorisme sophistiqué, avec lequel un agent pourrait influencer le réel en tirant les bonnes ficelles. Tron ou Matrix, ces classiques de la science-fiction au cinéma ne sont plus à présenter.
Ces expériences imaginées par de brillants visionnaires ont un degré de sophistication que nous n’atteignons pas encore et, pourtant, le marché est en plein essor et les expériences promises par les différents constructeurs sont déjà bluffantes.
Et que dira un locataire potentiel quand un agent immobilier à l’autre bout de la France lui proposera de visiter une dizaine de biens en une heure, confortablement assis sur son canapé ? Comme la vidéoconférence a rapproché les personnes, la réalité virtuelle peut rapprocher les lieux. Pas convaincu ? Testez donc Street View VR sur un smartphone Android, en appuyant rapidement deux fois sur les deux flèches en bas à droite de Maps pour l’activer. Les possibilités sont infinies et ce n’est pas Facebook, heureux propriétaire d’Oculus, qui dira le contraire. Michael Abrash, responsable scientifique de la firme, a fait une référence à Matrix pour qualifier l’ampleur que la réalité virtuelle va prendre dans nos vies. "Qu’importe la pilule que vous allez choisir : nous sommes déjà tous avec le lapin au fond du terrier", a-t-il lancé lors de la conférence F8, dédiée aux innovations du réseau social milliardaire. Et si son financement n’est pas un problème, cette technologie a toutes les cartes pour devenir rapidement bluffante.
)
